
Cadavre Exquis d'Agustina Bazterrica
Etant une végétarienne convaincue et consommant majoritairement des produits vegans, je DEVAIS lire ce livre.
Agustina Bazterrica nous offre un livre coup de poignard parlant de spécisme et de la cause animale en étant volontairement choquante. Et ça marche !
Le personnage que nous suivons s'appelle Marcos, il travaille dans un abattoir d'humains. En effet, un virus a rendu la consommation des animaux non humains dangereuse et, face aux lobbies de la viande, les gouvernements finissent par légaliser et encadrer le cannibalisme en déshumanisant les viandes " spéciales" que sont d'autres êtres humains qui vont subir tout un tas de traitements objectifiants et dégradants, qu'on peut facilement mettre en parallèle avec l'objectification pour consommation que nos sociétés font subir aux animaux non humains.
Marcos vient de vivre une tragédie familiale et ce personnage est aussi froid que nécessaire. On le comprendra au fil du récit, les mots ont leur importance et permettent de mettre de la distance. Au delà d'expliquer comment des sociétés évoluées ont pu en arriver là dans cette dystopie, ce constat qui apparaît dès les premières pages du livre disent aussi quelque chose du fonctionnement de nos propres sociétés; on parle d'étourdir au lieu de battre, d'abattage au lieu d'assassinats, d'élevage au lieu de mouroirs.
Ce livre parle aussi de la banalisation du mal et de la gradation dans celui-ci, comparées aux pires horreurs, nos esprits ont tendance à justifier des faits considérés comme " moins graves" alors que pour la personne ou l'être qui le subit, les conséquences sont bien sans gradation. On nous parle également de nos capacités à suivre les gouvernements en justifiant des propos décidés par d'autres et en se dédouanant finalement des conséquences.
Il s'agit donc d'un livre qui appelle à la conscientisation, à la prise de parole politique et à l'esprit critique.
Attention, je déconseille ce livre à un public sensible, même adulte. Certains passages sont d'une cruauté et d'une véracité morbide. J'ai ressenti beaucoup de dégoût, de colère et ai dû m'arrêter plusieurs fois face à certaines phrases. Et pourtant, cette vérité existe, en partie.
En somme un livre que je ne relirai probablement pas mais qui est impossible à oublier.
Je vous livre ci dessous un court extrait qui m'a particulièrement marquée:
"Le masque de la tranquillité apparente, de la placidité mondaine, de la petite joie brillante de ne pas savoir quand ce que j'appelle peau sera écorché, quand ce que j'appelle bouche perdra la chair qui l'entoure, quand ce que j'appelle œil rencontrera le noir silence d'un couteau."
Ce livre peut rentrer dans la catégorie " Je suis Médée, vieux crocodile" pour son côté horreur.
